Augustin Sokolovski
Le Vendredi Saint, l’Église commémore la mort sur la Croix du Seigneur Jésus. C'est un jour triste. C'est un jour de silence.
Le Vendredi Saint, la Divine Liturgie n’est pas célébrée. Cela se produit parce que la veille, le Jeudi Saint, la Dernière Cène a été commémorée. La Dernière Cène n’a pas de fin. Elle répand sa lumière pendant toutes les heures qui suivent jusqu'au Samedi Saint, lorsque commence la commémoration de la Résurrection de Jésus d'entre les morts.
Le Vendredi Saint est un jour de tristesse. Mais il ne s’agit en aucun cas de deuil à l’état pur. Il ne s’agit en aucun cas d’un chagrin, comme le deuil causé par la mort d’une personne. Comme l’écrit l’apôtre Paul : « Christ, ressuscité des morts, ne meurt plus ; la mort n’a plus de pouvoir sur lui » (Rom. 6 :9). Le Christ est vivant et règne dans l’univers tous les jours. Le Royaume du Christ n’a pas d’exceptions temporaires.
Les choses du quotidien ont une tectonique théologique cachée. Il arrive souvent que plus les gens s’éloignent de l’Église et de l’espace sacré, dans leur éducation et leur comportement, plus ils deviennent dépendants de ces fondements cachés. Cependant, ces derniers commencent parfois à agir de manière déformée. Ainsi, dans une superstition bien connue, le vendredi 13 est considéré comme un jour de malchance.
Pourquoi est-ce ainsi ? Il existe de nombreuses explications possibles. Selon l'Évangile, le Seigneur Jésus a été crucifié la veille de la Pâque juive, qui tombait le 14e jour du mois biblique de Nisan, le samedi. Le vendredi 13 est le jour de la crucifixion du Christ. Pour nous, chrétiens orthodoxes, cela semble évident.
Pour comprendre le Vendredi Saint, un exemple tiré du protestantisme classique sera utile. En Suisse, à Zurich et dans d'autres cantons protestants, dont la confession remonte à la tradition de Jean Calvin et d'Ulrich Zwingli, le Vendredi saint est une très grande fête, en rien inférieure à Pâques. Après tout, le Christ est mort sur la Croix. Il est mort pour nous. Tous nos péchés sont pardonnés.
Cette perception du Vendredi Saint nous semble, à nous chrétiens orthodoxes, pour le moins, inhabituelle. Mais il est important de le savoir. Ce n’est pas hérétique et, en fait, cela nous aide à mieux comprendre l’essence du Vendredi Saint. Les fondateurs du protestantisme se sont inspirés des anciens Pères de l’Église. Parfois, leur compréhension anime nos significations.
Dans la tradition liturgique orthodoxe, les Matines du Samedi saint sont célébrées le vendredi soir. Dans certains endroits, par exemple dans la Laure de la Trinité-Saint-Serge, il est célébré dans la nuit du vendredi au samedi, ce qui correspond exactement à la charte. Mais dans la plupart des églises, les matines du samedi sont célébrées à l’avance.
Au cœur liturgique de ce service est la lecture du 17e cathisme avec des versets pour l'enterrement du Seigneur. Le 17e cathisme est le 118e psaume, c'est le plus long du psautier. Le contenu de ce psaume est une prière du juste à Dieu pour sa protection et sa justification. Les Saints Pères croyaient que cette prière était la voix du Seigneur Jésus depuis le Tombeau.
Par analogie avec l'office du Vendredi Saint, le 17e cathisme est lu dans le rite complet de la panikhida pour les défunts et, bien sûr, lors du service funèbre d’adieu pour les orthodoxes. Après tout, chaque chrétien est semblable à Jésus-Christ par sa participation à sa mort et à sa résurrection lors du baptême. Il s’agit d’une correspondance étonnante, mystérieuse et impressionnante entre la vie et la mort du Christ et ceux qui croient en Lui.
Quand une personne prie et lit constamment les Écritures, son corps, même s’il est immobilisé par la mort, est ravivé par la puissance du pouvoir infini de paroles divines qu’elle a prononcées au cours de sa vie. C’est l’une des raisons de la vénération orthodoxe des reliques des saints. « Je dors d’un sommeil de mort, mais mon cœur se réveille » (cf. Ct 5, 2). « Plus fort que la mort est l’amour de la parole divine » (cf. Ct 8, 6). Il s’agit d’une paraphrase possible des paroles du Cantique des Cantiques – le summum de la théologie mystique biblique.
Le Christ est ressuscité. Son corps n’est pas dans le Tombeau. Mais ses sacrements demeurent dans l’Église. Les Saints Pères ont enseigné que les Sacrements sont les reliques du Sauveur.
Comme le cerf soupire après les courants d'eau, ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu ! « Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant », chante le psaume (Psaume 41 :2-3). Le Vendredi saint, c'est le moment de faire vœu à Dieu de courir vers les sacrements, selon les mots du psaume, comme un cerf vers les sources d'eau.