Augustin Sokolovski
Le philosophe Jacques Derrida (1930-2004) était un penseur postmoderne. Il s'occupait de la déconstruction des mots et des pensées. Le philosophe Hans-Georg Gadamer (1900-2002) était « le père de l'herméneutique philosophique ». Il s'occupait de l'interprétation des mots et des pensées. Gadamer est né en 1900, et Derrida en 1930. À la mort de Gadamer en 2002, à l'âge de 102 ans, Derrida fut critiqué. Parce qu'il n'a jamais participé à un dialogue avec Gadamer. Pour un philosophe de ce niveau, cela semblait étrange. La réponse de Derrida fut la suivante : « Je me suis simplement habitué à ce qu'il soit vivant. » En 2004, deux ans plus tard seulement, Derrida lui-même est décédé. L’une des nécrologies écrivait : « Le dernier philosophe est mort. »
Le jour où l'Église orthodoxe célèbre une commémoration universelle de tous les morts à la veille de la Pentecôte, nous pouvons tirer une leçon de cette histoire. Après tout, tout le monde s'habitue à tout, même à ce qui ne devrait pas devenir habituel.... En fait, on s'habitue au fait que nos proches sont toujours en vie. On s’habitue aussi au fait que les morts sont morts. Mais cela ne devrait pas être comme ça. Les grandes journées de commémoration nous aident à nous débarrasser de cette habitude de vivre dans de telles habitudes.
Alors comment cela devrait-il être ? Que devrait pouvoir dire un chrétien ? «Nous nous souvenons de nos proches disparus. Nous n'oublions pas ceux qui ne sont plus parmi nous. Nous nous souvenons d'eux par leur nom. Nous ne nous souvenons pas automatiquement de leurs noms simplement parce que nous les avons inscrits sur nos listes d'intentions de prière. Mais chaque fois, spontanément, par un effort de volonté et de mémoire, nous nous souvenons d'eux à nouveau ». Il devrait en être ainsi, non pas dans un idéal, mais dans la réalité.
L'Église se souvient particulièrement de ceux dont on ne se souvient plus et pour qui personne d'autre ne peut prier lors des journées de commémoration générale de tous les défunts, les samedis parentaux universels. C'est le but principal de ces journées dans l'Église orthodoxe, car d'autres défunts, dont les proches se souviennent, sont souvent nommément rappelés lors de divers offices liturgiques.
« Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » dit la prière Notre Père. Cette grande prière ne parle pas seulement des péchés. Le jour où l'Église se souvient de tous les défunts, la dernière demande du Notre Père s'élargit et prend une forme nouvelle. « Notre Père, souviens-toi toujours de nous et ne nous oublie jamais, car nous nous souvenons toujours de nos morts et nous prions toujours pour eux ».