Augustin Sokolovski
Le dimanche de la Samaritaine est déjà la deuxième « mémoire des femmes » de la période pascale. Rappelons que le troisième dimanche de Pâques était consacré aux femmes myrophores. C'étaient des femmes et des disciples du Seigneur. Le dimanche de la Samaritaine c'est le cinquième dimanche. Et il est dédié à la femme qui est devenue son disciple.
Le deuxième dimanche de Pâques est la mémoire de l'un des douze apôtres qui a perdu la foi, et les quatrième et sixième dimanche sont la mémoire de deux hommes différents, dont l'un a été paralysé pendant trente-huit ans, et l'autre est né aveugle. Les femmes à qui le troisième et le cinquième dimanchs sont dédiés, au contraire, par la puissance de la grâce, ont montré un exemple de service par l'acte, comme les myrophores, ou par la parole, comme la Samaritaine.
Comment ne pas penser au philosophe nihiliste Friedrich Nietzsche (1844-1900), fils d’un pasteur protestant, qui affirmait que les femmes étaient toujours plus fortes que les hommes. Rappelons que Nietzsche devint littéralement fou de chagrin lorsqu'il vit à Turin le propriétaire d'un cheval battre cruellement son animal. Après cet événement, le philosophe ne put jamais se relever ; ses capacités intellectuelles et mentales ont sombré dans l’obscurité. Un véritable « suaire de Turin » de la part de celui qui, en paroles mais non en actes, a appelé à renoncer à toute miséricorde. Il est impossible de renoncer à la miséricorde, car la miséricorde est Dieu Lui-même, et les hommes sont créés à Son image.
Toutes, les femmes qui servaient le Seigneur en paroles et en actes, les femmes myrophores et la Samaritaine, appartenaient au cercle de disciples du Seigneur, qu'il avait lui-même choisi et à partir duquel déjà durant sa vie terrestre, il a commencé à bâtir l'Église
Dans la conversation avec la Samaritaine, l’appel à la foi dans le Christ Messie est proclamé non seulement pour les Juifs, mais pour toutes les nations. L’opposition entre le judaïsme impeccable et la foi des gens simples et petits est abolie.
Cela anticipe la proclamation de Paul selon laquelle en Christ il n'y a plus ni homme ni femme, ce qui, bien sûr, n'a pas été inventé par Paul, mais, étant une expression de la foi du Nouveau Testament, a sa source dans l’enseignement du Seigneur Jésus lui-même. Jésus annule l’impureté rituelle qui s’était manifestée auparavant dans le refus fondamental des Juifs d’entrer en contact et plus encore de parler avec les Samaritains.
Le livre de l’Apocalypse est souvent considéré avec crainte par les croyants. En fait, c’est le livre du Nouveau Testament qui a le plus pour thème pascal. Tout y est question du triomphe du Christ ressuscité. Dans l'Apocalypse, nous lisons : « Et l'Esprit et l'épouse disent : Viens ! Et que celui qui entend dise : Viens ! Que celui qui a soif vienne, et que celui qui veut prenne de l'eau de la vie, gratuitement. Celui qui témoigne de ces choses dit : Oui, dit le Seigneur, je viens bientôt ! Amen. Viens, Seigneur Jésus ! » (Apocalypse 22 :17,20).
Ainsi l'eau vive de nombreux textes bibliques, eau courante et eau de puits, qui est capable d'étancher la soif physique et spirituelle en même temps, devient prototype de l'eau vivifiante des Paroles du Christ, de l'Esprit du Seigneur, célébrée d’abord dans le Baptême et ensuite dans l’attente eucharistique de la Seconde Venue de Jésus. L’eau dont le Seigneur parle dans la Conversation avec la Samaritaine est l’eau de sa côte vivifiante sur la Croix, c’est la communion de l’Eucharistie.
Les chrétiens orthodoxes de ces derniers temps oublient presque toujours cet aspect eschatologique de l’Eucharistie. Les Saints Mystères du Christ et la communion sont alors transformés en un exercice personnel de piété et en une sorte de médecine métaphysique. Mais l’Eucharistie, reçue dans la communion, est vraiment l’eau de la vie, elle est un gage et un signe de la Jérusalem Céleste et de l’approche de la fin de ce monde. L’histoire est désormais l’attente du retour de Jésus le Roi de Gloire.
À l’image des mosaïques apocalyptiques des anciennes églises chrétiennes, principalement à Rome, l’histoire c’est la préparation du trône. De même comme il est dit dans les prières de la divine liturgie, et spécialement dans l'Hymne des Chérubins, les corps, les cœurs, les âmes, les mains et les lèvres des fidèles dans l'Eucharistie deviennent le trône du Roi divin.
Le jour de la commémoration de la conversation du Seigneur Jésus avec la Samaritaine, l'Église, en tant que Société des Croyants, l'invoque avec les mots qui, courtes et simples, peuvent remplacer les prières ordinaires. « Seigneur, donne-nous toujours cette eau, l’eau vivifiante de l’eucharistie pour que nous n'ayons plus jamais soif ». Le Christ est resuscité !