Publications

L'histoire du figuier stérile le Lundi Saint

Augustin Sokolovski

Le premier jour de la Semaine Sainte est appelé « Lundi Saint ». La commémoration de la Passion du Seigneur sur la Croix s'accompagne de deux thèmes principaux. Il s'agit de la trahison et de la vente du Joseph par ses frères à l'Égypte dans le récit de l'Ancien Testament du Livre de la Genèse, et de la malédiction du figuier stérile par le Seigneur Jésus à la veille de sa Passion sur la Croix dans l'Évangile

L'histoire du figuier est racontée dans le chapitre 21 de l’Évangile de Matthieu, dont la 84-e péricope, les versets 18 à 43, est lue aux matines du lundi. L’histoire du figuier se trouve au tout début de cette longue lecture et n’occupe que cinq versets, de 18 à 22 (Mt 21 :18-22). De plus, le cœur du récit n’est constitué que d’une seule citation. Voyant un figuier au bord du chemin, Jésus s'en approcha et n'y trouva que des feuilles. Il lui dit : « Qu'il n'y ait plus jamais de fruit sur toi ! » « Et aussitôt le figuier sécha », dit l'Évangile (Matthieu 21 :18). Il s'avère que le récit est extrêmement bref. Mais il est très difficile à interpréter. Tout au long de l'histoire chrétienne de l'humanité, de nombreux commentateurs se sont penchés sur ce sujet.

Bien sûr, le récit de l’Évangile contient des instructions morales directes adressées à tous. Si une personne ne porte pas les fruits de la vertu, elle sera identifiée au figuier stérile. La parole de malédiction divine sera prononcée sur quiconque n’observe pas les commandements.

Mais l’histoire du figuier se retrouve également dans l’Évangile de Marc (Marc 11, 12-24). Marc dit qu’ « il n’y avait rien sur le figuier, si ce n’est des feuilles, car ce n’était pas encore le temps où les figues devaient pousser » (11). Il s’avère que le Seigneur a maudit le figuier pour son manque de fruits, malgré le fait que le temps des fruits n’était pas encore venu. Jésus était le fils d’un charpentier (Matthieu 13 :55), était un homme du peuple, a grandi en Palestine, donc il ne pouvait tout simplement pas ne pas connaître des choses aussi simples que le temps de la fructification des figues. Cela signifie qu'en plus de l'instruction morale directe, le récit a également une signification théologique et prophétique complètement différente, mystérieuse et profonde, qui est liée au mystère de notre salut.

« Je crois au Seigneur Jésus, qui est descendu du ciel pour nous les hommes et pour notre salut, et qui a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate », proclame le Credo. Dans la conception orthodoxe, le Credo n’est pas seulement un document doctrinal, mais une prière et une louange liturgique très importante. Le Père de l’Église, saint Ambroise de Milan (339-397), a écrit que lorsqu’un chrétien a peur, il doit lire le Credo orthodoxe à haute voix. Les dogmes chrétiens donnent de la force, ils donnent la vie. C’est pourquoi les chrétiens orthodoxes l’invoquent dans leurs prières, en s’adressant à lui comme à une personne.

Selon les Écritures, le Seigneur Jésus est Roi, Grand Prêtre et Prophète. Comme les grands prophètes de l’Ancien Testament, par ses paroles, et, ce qui est très important, par ses gestes et ses actions, il a indiqué ce qui, par la mystérieuse prédestination de Dieu, devait arriver.

Le Seigneur Jésus n’avait aucun péché en lui et ne devait pas mourir. En montant sur la Croix, il a pris sur lui la malédiction biblique, qui ne lui était pas adressée, mais s’appliquait à tous ceux qui étaient pendus à l’arbre. « Maudit soit devant Dieu celui qui est pendu au bois », écrit Deutéronome (Deut. 21 :23). Dans l’épître aux Galates, l’apôtre Paul reproduit ces paroles, en les appliquant au Seigneur Jésus (Gal. 3 :13). L'Ancien Testament, par la bouche de Moïse, et le Nouveau Testament, par les paroles de Paul, ont fait référence à la Crucifixion du Seigneur et au Bois de la Sainte Croix. Le Seigneur a été crucifié « pour nous, les hommes, et pour notre salut », dit le Credo. Il l'a fait volontairement. C'est fait une fois pour toutes.

Selon les Écritures, la souffrance du Seigneur était volontaire. C’est ce que disent l’Écriture, la foi de l’Église et le dogme. C’est pourquoi, pour comprendre correctement le mystère salvifique de notre délivrance, accompli par le Seigneur, il est nécessaire de surmonter soigneusement tout fatalisme dans la comprehension de ce dogme chrétien. Pour sauver l’homme, notre Seigneur Jésus-Christ lui-même s’est fait un figuier – un figuier en fleurs, plein de vie et de force.

Les ennemis du Seigneur dans l’Évangile ont essayé d’arrêter sa messianité. En effet, dans les pages de l'Évangile, nous lisons que bien avant l'entrée triomphale dans la Ville Sainte, les Juifs cherchèrent à lapider le Seigneur (Jean 10, 31) et tentèrent de le jeter du haut de la montagne (Luc 4, 29). Cela s'est produit plusieurs fois. Ils craignaient le Royaume qu’il proclamait. Exigeant des signes et des prodiges, ils cherchaient à le détruire avant même que, comme le figuier ide l’Évangile (cf. Mc 11, 13), il puisse porter du fruit, c’est-à-dire entrer à Jérusalem et commencer son Royaume. C’est un autre aspect important de la prophétie dans l’histoire de l’arbre innocent.

Le Seigneur est entré à Jérusalem sur le petit d'une ânesse, en tant que Roi et Messie, accueilli par le peuple d'Israël. C'est la grande joie de Dieu, le fruit des œuvres de Jésus, et une bénédiction pour tous.

La malédiction de la race humaine est tombée sur la tête de Jésus. Comme l’ont dit les Pères de l’Église : « Le Seigneur a pris sur lui tout ce qui est à nous, nous a guéris et glorifiés, mais n’a rien laissé pour lui-même ; en retour, il nous a donné tout ce qui était à lui. » Le Seigneur Jésus lui-même s’est fait un figuier qui a accepté la malédiction afin que nous puissions tous participer aux fruits vivifiants de sa Passion, de son Corps et de son Sang dans les Saints Mystères et de sa Résurrection. Béni soit le Figuier de la Croix.